Le concert mythique d’Oum Kalthoum à l’Olympia en novembre 1967
En ces temps de révolutions qui agitent le monde arabe, en cette Journée internationale de la femme, PARIS-LOUXOR a souhaité rendre hommage à l’une des plus grandes chanteuses égyptiennes, celle que l’on surnomme « l’Astre de l’Orient » ou encore « el-Sett » (la Dame) et dont les chants d’amour résonnent encore à travers le monde, 36 ans après sa disparition : Oum Kalthoum.
Dans le cadre de sa grande tournée internationale de 1967, la chanteuse largement adulée fit un passage remarqué à Paris en novembre 1967. Elle se produisit à l’Olympia, unique concert donné hors du monde arabe, pour deux récitals exceptionnels qui, comme nous l’avait affirmé la productrice Hélène Hazera*, furent vraisemblablement retransmis en musicorama au Louxor-Palais du Cinéma.
Malgré des circonstances politiques difficiles en Égypte liées à la défaite de la Ligue arabe (Égypte, Jordanie, Syrie, Irak) dans le conflit l’opposant à Israël lors de la Guerre des Six Jours (en juin 67), Oum Kalthoum n’annula pas sa tournée et décida au contraire d’affirmer l’amour profond qu’elle portait à son pays en maintenant ses concerts dans l’intention de collecter de l’argent pour la reconstruction de l’Égypte. Ses prestations scéniques étaient ressenties comme de véritables performances vocales et d’endurance avec des concerts de deux ou trois chansons qui pouvaient durer jusqu’à une heure chacune, maniant habilement improvisations de chant et très longue tenue des notes. La passion qui l’habitait transformait la plupart de ses chansons d’amour en ardents succès populaires, à l’image de son célèbre morceau « Enta Omri » (« Tu es ma vie ») qui conquit immédiatement le cœur de tous les peuples arabes. Oum Kalthoum n’accordera que peu d’interviews pour privilégier son art avant tout, situé à mi-chemin entre la musique arabo-musulmane traditionnelle et la modernité avec un accompagnement orchestral important.
Au-delà de son talent incontestable et de son engagement patriotique, « la Dame » apparaît comme un modèle de modernité et d’émancipation pour les femmes arabes, les invitant même à ôter leur voile pendant ses concerts, tout en restant très religieuse elle-même tout au long de sa vie. Emblème de l’évolution de la femme, elle revendique sa féminité et se vêtit de robes non traditionnelles. Elle affirme son pouvoir, et chose rare au Moyen-Orient à l’époque, c’est une femme non voilée qui fait l’unanimité aussi bien auprès des femmes que des hommes. Elle jouera un rôle essentiel dans la société arabe contemporaine en devenant un symbole d’unité nationale dans son pays, mais également en s’affranchissant des frontières des conflits géopolitiques : Aimée de tous, sa popularité est telle qu’elle fait figure de trait-d’union entre les peuples arabes et occidentaux.
Son concert à Paris en 1967 en atteste : malgré les craintes du directeur de l’Olympia de risques de troubles, la salle fut comble et remplie d’une assistance multiconfessionnelle venue non seulement de France mais aussi de toute l’Europe. Des dirigeants arabes et français étaient aussi présents. On dit même que Charles de Gaulle venu incognito fit parvenir à la Diva égyptienne un télégramme de félicitations après son concert. Cet Olympia fut une immense réussite et un bel exemple de rassemblement dans la paix autour d’une femme hors du commun.
*Le Louxor, Palais de toutes les tentations Entretien avec Hélène Hazera