Le Marché du Film de Cannes, envers complémentaire du Festival, est un lieu idéal pour observer l’ambivalence du désir des spectateurs de cinéma. Ce désir est en effet fondé sur une double dynamique a priori contradictoire, constituant le fondement de l’expérience cinématographique : quelque part entre une immuabilité des repères et une recherche constante de l’innovation.
Les repères peuvent être aussi bien génériques que communicationnels : arpenter les couloirs du Marché permet ainsi à l’observateur de s’immerger dans un univers extrêmement codifié. Au milieu des stands et d’une immense mosaïque constituée d’affiches de films de genre, un imaginaire cinématographique obéissant à des règles strictes se déploie.
C’est toutefois dans le cadre de ce jeu constant sur les codes filmiques que se développe également une forte symbolique de l’innovation. Afin de susciter l’envie, les films se doivent de mettre en avant une spécificité, une « valeur ajoutée ». A ce titre, le Marché du Film est une entité se voulant très perméable aux évolutions technologiques : la diffusion numérique, la haute définition ou encore l’évolution de la 3D y sont des enjeux devenus incontournables.
La logique opérant au sein du Marché du Film est principalement industrielle. Toutefois, l’objectif y est avant tout de susciter le désir spectatoriel de professionnels de l’industrie du cinéma. Ce désir professionnel est, in fine, le désir d’investir dans une œuvre. Il s’agit d’une démarche éminemment réflexive où le désir se trouve mis en abîme. Entre le désir d’un individu et celui de « l’autre », quels ponts peuvent être bâtis ? Il s’agit d’un pari sans cesse renouvelé sur ce que « l’autre », le public imaginé, aimera. Cet amour est par définition mouvant, insaisissable, et ce paradoxe apparent, tel qu’illustré par le Marché du Film, se trouve au cœur de l’expérience cinématographique des individus.
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Sous la direction d’Emmanuel Ethis, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
(Centre Norbert Elias, équipe Culture et Communication)