CANNES 2011 : « J’AI VU PIALAT »

Foule sur le port - LL PARIS-LOUXOR

Illusions d’optique et persistances rétiniennes sur la Croisette

- « Regarde… Regarde!! C’est… Euh… Mais c’est lui… Tu, tu as vu?!

- Non

- Mais si…. Le réalisateur. Avec la mâchoire carrée et les cheveux blancs.

- Français?

- Mais oui!! Tu sais il a eu la palme et il a dit « merci, moi non plus je ne vous aime pas! »

- … Maurice Pialat?

- Oui!!

- Il est mort.

- ah bon ben alors c’était pas lui »

A Cannes, l’une des caractéristiques de l’expérience festivalière réside dans les opportunités d’apercevoir et de reconnaitre des célébrités : acteurs, réalisateurs, mais aussi présentateurs, chanteurs, journalistes, ou même simples people. Il y a ceux pour qui être au Festival de Cannes se limite à faire le pied de grue durant des heures voire des jours devant les mythiques marches ou les hôtels de luxe de la Croisette, dans l’espoir de prendre « sa » photo ou d’obtenir un autographe. Mais le plaisir à Cannes ne réside pas uniquement dans le fait de voir « en vrai » les stars, dans leur statut de star. L’exceptionnel réside bien dans le fait de pouvoir les croiser, les côtoyer et donc d’être susceptible d’en apercevoir partout.

Mais à chercher ce que l’on espère, on finit par voir ce qui n’existe pas et confondre une Mamie Paulette avec Helen Mirren. Les flashs et les paillettes du Festival éblouissent les yeux des passants, créant des mirages cannois qui imposent la présence de stars là où il n’y a parfois qu’une illusion satisfaisante. Le Festival de Cannes projette les festivaliers dans un univers fictif qui se prolonge au-delà des salles du Palais et brouille les frontières entre ce qui se déroule à l’écran et ce qui se joue en dehors, comme si le film ne s’arrêtait pas totalement avec le générique. Ils vivent Cannes avec un sentiment renforcé d’appartenance au monde du cinéma.

L’idée n’est alors pas nécessairement de s’adresser aux célébrités, ni même de rencontrer son idole, mais simplement d’avoir vu. Et comme il est possible, dans les rues de Cannes, de croiser ceux que l’on voit sur les écrans et les pages des magasines, l’œil se fait plus attentif, le regard s’affute. A force de croiser quelqu’un par hasard, on en vient à chercher du regard. C’est ainsi que le festivalier se fait figurant d’un défilé presque fellinien, croisant badauds, personnages insolites et célébrités, sur une Croisette devenue lieu de tous les possibles.

Retrouvez les articles du SOCIO-BLOG /// 8 sociologues au Festival de Cannes : ici et
Sous la direction d’Emmanuel Ethis, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
(Centre Norbert Elias, équipe Culture et Communication)

Anais Truant

Anaïs Truant, doctorante à l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse sous la direction d'Emmanuel ETHIS (Centre Norbert Elias, équipe Culture et Communication)