Il est aisé d’imaginer que les allées du Marché du Film de Cannes sont parcourues exclusivement par des professionnels « en activité » : vendeurs, acheteurs, distributeurs, ou encore producteurs. Or, évoluer au sein de la population constituant la manifestation révèle rapidement à l’observateur une variété insoupçonnée de profils.
Mathieu, rencontré lors de l’édition 2011 de la manifestation, est un exploitant de cinéma qui s’est décidé « au dernier moment » pour venir à Cannes. Il a négocié, grâce à son statut de professionnel, un accès au Marché auprès du bureau des accréditations tardives et restera cinq jours sur place. Son objectif est de voir un maximum de films. Pas pour acheter ou vendre, mais pour son seul plaisir de spectateur.
Le Marché du Film constitue ainsi, pour une multitude d’individus s’ancrant dans une démarche similaire à Mathieu, un véritable festival au sein du festival. Il est le lieu d’une cinéphilie « bis », pour une bonne part axée sur des œuvres de genre extrêmement codifiées, issues d’un pan de production cinématographique souvent considéré comme peu légitime. Beaucoup des films présentés dans les salles de diffusion du Marché, parfois non finalisés et cherchant des acheteurs ou des investisseurs, ne trouveront pas la voie des salles ou même d’une exploitation vidéo. Cet aspect de la production cinématographique non connue du grand public est ce qui fascine Mathieu en premier lieu. Il cherche, selon ses propres dires, à « y trouver des pépites ».
Ce rapport à l’exclusivité, cette sensation d’être l’un des premiers mais, peut être également, l’un des derniers spectateurs d’un film, dessine les contours d’un rapport particulièrement intime aux œuvres. C’est dans ce lieu méconnu de cinéphilie qu’est le Marché du Film, où se côtoient d’innombrables espoirs, que se déploient aussi des amours cinématographiques intenses et fugaces.
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Sous la direction d’Emmanuel Ethis, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
(Centre Norbert Elias, équipe Culture et Communication)