LE TRIANON (également CINEPHONE ROCHECHOUART)
80, boulevard de Rochechouart – Paris 18e
1902 (construction du théâtre) – 1939 – 1952 (Trianon) – 1992.
Aujourd’hui, une salle de spectacle.
En partenariat avec le magazine Historia. Pour contribuer et témoigner : CINÉMAS DE PARIS
Après la station Anvers, face au Lycée Jacques Decour, le Trianon, classé en 1982 à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, est l’une des plus anciennes salles de spectacles parisiennes à l’origine dédiée au Café-Concert puis au Music-Hall sous le nom de « Trianon Concert ». Avec son théâtre à l’italienne construit en 1902 après un incendie de la salle d’origine (construite en 1894), le Trianon est l’œuvre de Joseph Cassien-Bernard, architecte du très décoré Pont Alexandre III inauguré lors de l’exposition universelle de Paris en 1900. C’est une salle de 1000 fauteuils répartis entre l’orchestre et deux niveaux de balcons. Il comporte un vaste foyer et deux imposants escaliers décorés de Nymphes et Puttis de style Beaux-Arts.
Des projections sont quelquefois organisées à partir de 1936. Mais en 1939, l’ancien théâtre devient cinéma à part entière sous l’enseigne de Cinéphone Rochechouart, nom qu’il garde jusqu’en 1952, pour reprendre celui de Trianon. On y programmera tout ce que le film de genre peut compter : péplums et autres fresques historiques, aventures et cape et d’épées, séries B policières, western spaghetti, karaté, kung-fu et cinémas du monde. A partir des années 1980, l’hémorragie qui voit la fermeture successive des salles de quartier est difficilement contenue. Le Trianon range son écran en 1992, et revient à sa destination originelle : le théâtre et la chanson. Repris par de jeunes entrepreneurs, il est entièrement rénové en 2009 et rouvre ses portes au public le 22 novembre 2010, il peut accueillir jusqu’à 1 500 personnes.
Le Trianon et le cinéma : Le Trianon apparaît dans Neige (1981) de Jean-Henri Roger et Juliet Berto.
Témoignage : Karim Imessad, ancien employé au Trianon.
J’ai longtemps occupé tous les postes dans des salles qui appartenaient à mes anciens patrons : Ritz, Cigale, Montmartre Ciné. Mais leur bijou c’était le Trianon. Un vrai bateau, c’était immense et je vivais dedans : dans un studio derrière la scène. J’y ai connu Bigoudi, une ouvreuse qui racontait qu’elle avait gardé un jour les singes de Joséphine Baker ! Le matin, elle entrait dans la salle encore vide, faisait le tour et ressortait. Elle disait : « l’odeur de cette salle : c’est comme une drogue! » Elle s’y sentait bien, c’était son espace. Il y avait les petites loges avec des murs en velours rouge pour une ou deux personnes, c’était tranquille. Jacques Brel y passait des journées entières pour écrire ses chansons, à l’époque où il jouait à Montmartre. Il y a des gens qui restaient à toutes les séances et c’était aussi un lieu de rendez-vous. Certains ont même habité sous la scène avec des matelas, des réchauds … Le matin, ils allaient se laver dans les toilettes, puis s’installaient dans la salle pour regarder le film. Ils profitaient de l’entracte pour faire leurs courses avant de revenir. Il s’est passé deux ans avant qu’on découvre ces pensionnaires clandestins. Un chat perdu nous avait mis sur leur piste. Un jour, la police arrive au Trianon avec un homme menotté et font sortir tout le monde à l’entracte. C’était un voleur à la tire qui venait cacher son butin dans les fauteuils du Trianon. Le patron était furieux !
Photo du Trianon : © photo Alexandre H. Mathis 1972. A l’affiche, western spaghetti italien, « Tire, Django, tire » (1968) de Frank B. Corlish (aka Bruno Corbucci).
Photo du Cinéphone Rochechouart, 1938 : Carte postale, collection particulière. D.Blattlin. A l’affiche « Laurel et Hardy au Far West » (1937) de James W Horne.