C’est le dernier jour du festival cannois et le dernier jour à la croisette de Vladimir. Un sentiment étrange le pousse à flâner dans toutes les ruelles cannoises à la recherche des dernières traces de festivaliers. Les spectateurs ordinaires, ceux qui ne sont pas accrédités, se préparent pour la dernière cérémonie des prix. Leur chaise en face du palais n’ont pas bougé… Eux non plus d’ailleurs, ils sont impatients. Vladimir regarde l’heure d’une manière systématique. Des jeunes, les pancartes brandies et les regards plein d’attentes cherchent une place pour la cérémonie de clôture. Ils ont envie d’être présents au dernier souffle du festival. Le temps est mitigé, le soleil joue à cache- cache derrière les nuages. Vladimir me propose d’aller à la plage du Majestic où il écrivait ces derniers jours ses critiques de films, fixait ses rendez vous et réalisait ses entretiens. Ce n’est pas loin de son hôtel. Il est correspondant du journal russe « Gazeta ». Il me dit : « regarde, il y a moins de monde qu’hier ou avant-hier, ça sonne la fin ». « Tu entends la voix de Chet Baker venir de loin ? »… « I fall in love too easily…I fall in love too fast». lui aussi, tombe amoureux facilement me dit-il. Il était pressé d’arriver à la croisette et maintenant il a du mal à la quitter. C’est le dernier jour qu’il monte le tapis rouge. Il flirte depuis un moment avec les projecteurs des photographes, les stars et l’effervescence de ce festival qu’il considère unique dans son genre. Vladimir se balade dans les festivals de cinéma mais ce festival a une odeur particulière à ses yeux. Cela lui rappelle l’essence du cinéma d’autrefois. Ce n’est pas la première fois qu’il vient à la croisette me rassure t-il. Il insiste : « c’est comme en amour, j’ai l’impression que c’est toujours la première fois ».
Il y a 11 ans, c’était son premier festival de cannes. Ses souvenirs sont intacts. Il avait 28 ans. Sa grande fierté à l’époque, c’était son entretien avec Jean-Luc Godard… Il s’est retrouvé devant le réalisateur qu’il estime le plus, pour parler du cinéma et de son film « L’Eloge de l’amour ». Depuis Godard, rare sont les réalisateurs qui l’impressionne. Nanni Moretti, il le connaît aussi depuis son premier festival, lorsqu’il a présenté son film « La chambre du fils », il est reparti avec la palme d’or. Il l’avait rencontré au Cinecitta. Il a beaucoup aimé son Journal intime et ses films « Palombella rossa » ou « Aprile ». 11 ans après, c’est lui le Président du jury du Festival. Vladimir regarde au moins trois films chaque jour. Son film préféré de la sélection officielle est « Holly Motors » de Leos Carax. Denis Lavant l’a cloué dans sa chaise avec le personnage d’Oscar qui se transforme sans cesse. Il est 16h, il pleut des cordes. Une fin mouvementée nous attend me dit-il. Il doit appeler sa femme. Depuis 10 jours, il ne donne pas de nouvelles et ne répond pas à ses textos. Il profite d’être à cannes pleinement… plus de réseaux sociaux, plus de facebook, plus de twitter. Il ne communique qu’avec son journal, les autres festivaliers ainsi que les cinéphiles. Il fait sa cure de désintoxe de toutes les nouvelles technologies. À la croisette, il respire, il oublie son quotidien. Il bois et rebois du champagne à très forte dose. Tu vois, comme Serge Gainsbourg « je vois des éléphants roses, des araignées sur le plastron, de mon smoking». Il court d’une fête à l’autre. Il n’a pas l’impression de travailler ici. Il pleut de plus en plus fort, c’est l’heure de rejoindre le grand théâtre lumière me dit-il. Il vérifie que son smoking est impeccable malgré la pluie. Ça y est c’est la cérémonie de clôture.