Chansons sur un quai de gare ou l’esthétisation cinématographique du quotidien par la musique
Un quai de gare, une mère interprétée par Catherine Deneuve, sa fille, une chanson qui parle d’amour : cela ressemble à s’y méprendre à un film de Jacques Demy. Pourtant nous ne sommes pas dans les années 1960. Les Bien-aimés de Christophe Honoré est projeté, hors compétition, en clôture de l’édition 2011 du Festival de Cannes. Ce n’est pas Michel Legrand qui signe la partition cette fois mais Alex Beaupain. Ses compositions musicales sont l’occasion pour le sociologue qui pratique le terrain cannois, de considérer, son regard tourné vers les spectateurs du Grand théâtre lumière du Palais des Festivals, le rôle de la chanson au cinéma, entre fiction et réel.
Quatre jours plus tôt, dans un train à destination de Cannes, il a croisé Oriane, 21 ans, étudiante. Oriane voyage, écouteurs sur les oreilles, jusqu’au Festival de Cannes. Le trajet est long depuis Lyon. Ce n’est pas son premier festival et pourtant, pour se détendre, comme elle dit, elle écoute « Le vent l’emportera » de Noir Désir, réinterprété par Sophie Hunger : « Je n’ai pas peur de la route, faudrait voir faut qu’on y goûte, des méandres aux creux des reins, et tout ira bien, le vent l’emportera ».
Les chansons offrent dans les comédies musicales, comme la musique le fait dans notre vie, des modalités d’esthétisation du quotidien. Quotidien du récit filmique lui-même, de l’histoire racontée, quotidien de nos vies qui reprennent leur cours lorsque la séance est terminée. Les chansons d’Alex Beaupain sont interprétées, ici, comme dans Les Chansons d’amour (2007) par des comédiens dont la formation principale n’est pas la chanson. Le rôle qui leur est donné dépasse les compétences habituelles des acteurs de cinéma. Pour autant, elles donnent plus facilement au spectateur la possibilité, énoncée par le sémiologue du cinéma Christian Metz en son temps, de se projeter sur le quai de gare, de considérer, comme le font Oriane, Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni, des moments esthétisés au milieu de situations du quotidien.
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Sous la direction d’Emmanuel Ethis, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
(Centre Norbert Elias, équipe Culture et Communication)