LA GARE ORNANO SE RECYCLE

Stéphane Vatinel sur le chantier de la REcyclerie / photo. LL / Paris-Louxor

L’ancienne Gare Ornano dans le 18e devient la REcyclerie, un lieu de vie hybride et pluridisciplinaire qui ouvrira en mai.

« Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ». Si la maxime fait date (c’est le chimiste Lavoisier qui l’initia au 18e siècle), elle n’en demeure pas moins d’actualité, voire le symbole de la réhabilitation d’une ancienne gare de la petite ceinture, la Gare Ornano, Porte de Clignancourt. Car ici, la priorité est à la récup, la réutilisation et le recyclage. Exit l’hyperconsommation et la marche forcée vers « le tout propriété », les 550 m2 qui accueillaient les voyageurs d’antan s’apprêtent à recevoir « toutes celles et ceux qui souhaitent consommer autrement, sur le mode du collaboratif, de la bienveillance, du bonheur et de l’attention aux autres ». Le ton est donné. Stéphane Vatinel, l’un des nouveaux gérants du lieu en est convaincu : « vivre autrement c’est possible et nécessaire dans le monde d’aujourd’hui. Pour autant, nous ne sommes pas des donneurs de leçons. Nous invitons les gens à partager un quotidien qui est fondé sur la notion d’usage et non plus celle de la possession. La REcyclerie c’est un lieu d’échanges et de dialogues dans lequel les gens sont acteurs et responsables de leur consommation. C’est donc un lieu dans lequel on propose un certain nombre de possibilités pour réutiliser et recycler tout ce qui est issu du quotidien ».

Place au tout « récup »

Beau programme donc ! Que la rédaction de Paris-Louxor a découvert lors de sa dernière visite de chantier durant laquelle Stéphane Vatinel a fait part de quelques nouveautés. D’abord, et on s’en doutait un peu, « ici, tout est réhabilité avec des matériaux de récupération ». Sauf cas d’obligation sanitaire comme pour les cuisines où la loi est très stricte quant aux mesures d’hygiène et de sécurité. Mais pour le reste, c’est bien simple, on est au pays de la récup ! Quand le sol en béton n’est pas transformé en faux carreaux de ciment grâce à des pochoirs dessinés pour l’occasion, il est réhabilité avec des planchers récupérés d’anciens wagons. A part les grandes verrières côté quais, qui offriront de gigantesques puits de lumière, les façades ne bougeront pas pour la plupart et resteront même dans leur jus où les briques et cadres fenêtres usés par le temps, donnent des airs de site industriel désaffecté. A l’étage, des cloisons de bric et de broc ont même été reconstituées à partir de matériaux récupérés in situ. Une façon de démontrer les multiples possibilités de la réutilisation des objets même quand, a priori, ils sont loin de leur destination première. Entre tour de force et de magie, l’atmosphère bon enfant mais responsable est de mise.

Plan de la REcyclerie

Modérations in fine

Ici, un seul crédo pour la déclinaison des espaces : le pied de nez à la surconsommation. Et pour se faire, c’est René (ou plutôt Re-Né) qui reçoit. L’idée ? Partager un café filtre à volonté lovés dans un mobilier confortable mais de récup façon ambiance «comme à la maison » ; faire réparer sa montre bracelet, sa branche de lunette ou bien la dernière lampe achetée à la brocante du coin, le tout remis aux bons soins de René dont l’établi donne sur le bar–restaurant, installé dans la salle des Pas Perdus de l’ancienne Gare. Mais aussi déguster de bons petits plats préparés dans une cuisine ouverte sur la salle ou, pour les plus pressés, les acheter en street food via le corner ouvert sur la rue Belliard, et cerise sur le gâteau la possibilité de faire ses courses en produits frais avec la petite épicerie nichée à côté de l’atelier de René. Quant à la Consigne, elle garde son nom et devient un endroit de confidentialité réservé aux adeptes du calme et de la sérénité. Une idée zen qui n’est pas sans rappeler celle de la non moins célèbre Société nationale des chemins de fer français. Et puis, les quais ! Essence même d’une gare, même réhabilitée. Ici, et passé la terrasse de 90 m2, les quais se transformeront ni plus ni moins en potagers ! Prenant exemple sur leurs voisins d’en face Les Jardins du Ruisseau, association de quartier qui exploitent les quais côté Boulevard Ney en petit Eden de fleurs et plantes en tout genre, la REcyclerie a opté pour la végétalisation des sols et des toits. Démarche naturelle dans l’expérience citoyenne à venir, largement encouragée eu regard à la transformation du quartier avec l’arrivée du Tram en 2017 et sa coulée verte adjacente.

Un lieu alternatif

La REcyclerie s’apprête donc à accueillir beaucoup de monde. Non seulement la station de métro Porte de Clignancourt fait partie de celle la plus fréquentée avec 9 millions de visiteurs par an, mais on peut compter aussi sur les 5000 étudiants du campus universitaire de la Sorbonne-Clignancourt et les 11 millions de visiteurs annuels des Puces de Saint-Ouen, « notre voisin et premier opérateur de recyclage de l’histoire » aime à rappeler Stéphane Vatinel dont la philosophie quotidienne serait celle de fédérer et réunir des gens autour d’un lieu porteur de sens. D’ailleurs, les associations de quartier ont quasi toutes cogné à la porte de la REcyclerie qui est prête à partager et travailler sur le mode du collaboratif. « On est ouvert à toutes les propositions à condition qu’elles fassent corps avec les valeurs du lieu », poursuit Stéphane Vatinel qui n’en est pas à son premier coup d’essai en montage de lieu alternatif. Et c’est bien pour cela que la Mairie du 18e à l’époque sous la houlette de Daniel Vaillant a proposé au Réseau Ferré de France que Vatinel et ses équipes réhabilitent la Gare Ornano et en prennent la gestion.

Des opérateurs avertis

Car Stéphane Vatinel et Olivier Laffon respectivement dirigeants de Sinny&Ooko et de C-Développement sont experts en gestion d’espaces atypiques. Du premier lieu alternatif Glaz’art, créé en 1992 par Stéphane, à la Porte de la Villette, en passant par le Comptoir Général, le Divan du Monde*, Commune image à Saint-Ouen, La Machine du Moulin Rouge ou le Pavillon des Canaux, les deux acolytes en connaissent un rayon côté management culturel. Côté quartier aussi, eux qui ont toujours opéré dans le nord de la capitale. « Nous gérons la REcyclerie comme nous gérons une salle de concert, de spectacles ou de théâtre ; nous avons mis en œuvre une programmation gérée par l’agence Les Filles sur le pont, car l’endroit s’il est avant tout un lieu de vie se doit aussi d’être un lieu vivant », poursuit Stéphane Vatinel. Particularité affirmée de la REcyclerie ? Sa pluridisciplinarité.

Actions !

Ici l’action culturelle est de mise : place aux workshops végétaux, leçons de jardinage, de musique, d’arts plastiques, de bricolage ; place aux trocs et échanges via l’association des Amis Recycleurs, ou encore aux marchés thématiques du dimanche. Et belle surprise : le cinéma loin d’être oublié, sera bien souvent invité d’honneur. Il faut dire que Stéphane Vatinel et Olivier Laffon sont tous les deux des enfants du 7e art. Quand le premier a travaillé pendant des années comme directeur de production et le second a créé la salle Commune image à Saint-Ouen spécialisé dans l’audiovisuel, le grand écran n’est jamais loin. « Mon parcours a toujours été semé de retrouvailles avec le cinéma », ajoute Stéphane. Et d’ailleurs c’est à un décorateur de plateau qu’il a confié la déco de la REcyclerie, tout comme il a prévu des projections avec « Connaissance du Monde »** en installant des toiles géantes sur les rails de l’ancienne station – et peut être même des soirées avec Paris-Louxor, ou encore la mise à disposition du lieu aux écoles de cinéma pour des tournages en décor naturel, voire des tournages de films… Gondry et Besson ayant déjà été approchés. « Et bien sûr, je ne peux que me réjouir de la réouverture du cinéma Le Louxor. Nous sommes très heureux de faire partie de ces nouveaux acteurs qui participent au renouveau du quartier ».

Vue arrière de la REcyclerie © Office parisien d’architecture

Au programme

En confiant la programmation de La REcyclerie à l’agence Les Filles sur le Pont, Stéphane Vatinel s’en remettait à des mains expertes en organisation d’événements culturels. Le festival Culture au quai qui se tient chaque année en septembre quai de La Loire, c’est elles, et l’inoubliable Zurban, le mag des sorties culturelles parisiennes, c’est elles aussi. Fidèles à l’esprit de La REcyclerie, les Filles sur le pont se sont lancées sur le leitmotiv du Do it yourself et de la consommation participative.

Au programme donc : des ateliers de cuisine durant lesquels chacun participera à sa manière. De la cueillette des fruits à la mise en bocaux lorsqu’il s’agit de concocter des confitures, c’est le faire ensemble qui prime. Accompagnés d’experts es fruits et légumes et autres petits secrets culinaires, des cycles thématiques se succéderont chaque semaine. Côté bricolage, c’est l’atelier de ReNé qui mène la cadence sur le rythme de l’échange d’outils et de savoir-faire ; c’est là aussi que des cours de bricole en tout genre se donneront pour novices, amateurs et passionnés. Surprises sur les quais ! On les savait réaménagés en jardins collaboratifs, les voici également terres d’accueil pour poules, lapins et chèvres qui n’auront de cesse de nous révéler le cercle vertueux de la nature. Ateliers jardinage en prime bien sûr. Tous les week-end, place à la brocante et troc thématiques auxquels chacun pourra réserver un espace ; on imagine déjà le troc vaisselle, le troc musique et le troc ciné !

Quant à la mode, elle n’est pas en reste, elle qui réunit dans l’échange des milliers de fashionistas sur les réseaux  sociaux. A La REcyclerie, en plus de l’échange, elle se transformera et se recyclera grâce à l’intervention de doigts de fée et la mise en place d’atelier coutures et styles dans lesquels on pourra apprendre à teindre des tissus avec des produits naturels. Enfin, la création artistique sera un des points culminant de La REcyclerie qui estime que dans chaque artiste se cache un recycleur, à l’image de Gainsbourg dont on connaît les inspirations pour Chopin. Sauf qu’ici, le recyclage sera concret ! Des collectes d’objets en tout genre seront organisées au profit d’artistes plasticiens travaillant sur la récup. Alors, à vot’ bon cœur messieurs dames ! La création, elle aussi, se veut participative. Quant au prix des ateliers, ils ne dépasseront pas les 10 euros. Une volonté clairement affirmée de faire de La REcylclerie un lieu ouvert à tous les publics.

Le cercle des amis recycleurs

Et pour tous ceux qui auraient envie de soutenir le projet (puisque n’en n’oublions pas l’essentiel, il est collaboratif), c’est possible via le site de financement participatif Kisskissbankbank. En participant à la collecte, on devient « créateur d’occasions » mais surtout on aide René à monter son atelier, lui qui au final nous bricolera des merveilles. C’est un geste solidaire, pour le bien-être de tous. C’est une autre approche de la citoyenneté, avec un retour aux valeurs communautaires. C’est dans l’air du temps qu’il fait bon humer en cette saison préférée et fleurie. La REcyclerie ouvrira ses portes en mai à une date joyeusement indéterminée. Effet de surprise souhaité. On vous tient informé !

*Partenaire de PARIS-LOUXOR
** Cycle de ciné-conférences animées par des voyageurs, explorateurs, cinéastes.

Pour suivre l’actu de La REcyclerie : https://www.facebook.com/larecyclerie2?directed_target_id=0
Pour soutenir La REcyclerie : http://www.kisskissbankbank.com/la-recyclerie
Pour se rendre à La REcyclerie : 83 Boulevard Ornano, Paris 18/ Métro Porte de Clignancourt

Quand les gares deviennent des lieux culturels

On connaissait déjà La Flèche d’or, ancienne gare de Charonne devenue salle de concerts dans le 20e arrondissement de Paris dans les années 90. On attend maintenant l’ouverture prochaine de La REcyclerie, ancienne Gare Ornano qui sera tout à la fois bar, restaurant, épicerie, corner de street food, accueil de workshops et événements culturels sur le mode de la récup et de l’échange. C’est un fait avéré, les gares désaffectées de la Petite Ceinture de Paris sont devenues de vrais enjeux patrimoniaux et culturels. Et le 18e arrondissement est en passe de devenir le symbole de cette réhabilitation avec la future transformation de la Gare de Saint-Ouen (propriété de la Mairie de Paris) en espace culturel pluridisciplinaire axé sur les musiques actuelles, Le Hasard Ludique qui ouvrira ses portes à l’automne 2015. Nous y reviendrons.


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Valerie Abrial

Valérie Abrial est responsable de la communication de PARIS-LOUXOR, directrice du Publishing pour un hebdomadaire, elle dirige l'agence VA Communication.