GAITE ROCHECHOUART
15 boulevard Rochechouart Paris 9e
Architectes Édouard Lardillier & Bernard Beslin
900 places – 15 avril 1933-1988
Trudaine 06-23
Aujourd’hui, un magasin de vêtements
En partenariat avec le magazine Historia. Pour contribuer et témoigner : CINÉMAS DE PARIS
Une marque de vêtements pour hommes, bien connue pour son imposante façade noire et ses déstockages massifs, habille désormais la Gaîté-Rochechouart, ancien cinéma de quartier, situé sur le boulevard Rochechouart entre le Louxor et le Delta. Cet ancien et non moins célèbre café-théâtre à l’architecture d’inspiration néo-classique a accueilli ses premières représentations dès 1865 dans un ancien hangar aménagé. Salle de music-hall réputée, elle accueille les spectacles et tours de chant de Mistinguett, Fréhel, Eugène Gabriel Mansuelle ou encore Maurice Chevalier.
Détruit par un incendie le 21 janvier 1923, le théâtre est entièrement rénové par M. Du Bois d’Auberville, c’est “une véritable bonbonnière de tonalité gris-argent et rose” indique le journal La Liberté dans son édition du 27 septembre 1923. Le nouveau théâtre ouvre ses portes deux jours après avec la revue de Georges Arnoult “C’est mariole”. Il sera transformé en un cinéma de 750 places en 1933. La Gaîté-Rochechouart, derrière une façade désormais épurée, propose des films en première exclusivité, projetés en version originale, avec programmation permanente de 12 heures à 24 heures.
Une production de la Columbia, Papa Cohen (No Greater Love, 1932) de Lewis Seiler, sorti le 10 février 1933, fait l’ouverture. Également connu sous le titre français Grand amour, un grand amour, les sous-titres sont signés de l’écrivaine Colette. Ce film est accompagné du documentaire français Peaux rouges d’hier et d’aujourd’hui (1931), sur la Mission Paul Coze. Pour donner plus de réalité au spectacle, des projections se font en présence, sur scène, du chef Os-Ko-Mon de la tribu Yakina, pour un tour de danse et de chant !
Dans les années 1930, le Gaîté-Rochechouart poursuit sa programmation de films en version originale sous-titrée, Morning Glory avec Katharine Hepburn, Queen Christina avec Greta Garbo (1934), Bringing up Baby de Hawks (1937), Gunga Din (1939). En 1941, la salle appartenant à la famille Sezig est spoliée dans le cadre des lois antisémites du gouvernement de Vichy, dites d’“aryanisation”. Le Gaîté-Rochechouart ferme temporairement ses portes pour rénovation, il rouvre le 3 avril 1942, avec Fernandel à l’affiche, dans L’Acrobate de Jean Boyer. Dans les années 1950, on y découvre les grands films américains de l’époque comme La Charge Héroïque de John Ford à l’affiche fin novembre 1950, L’Inconnu du Nord-Express d’Hitchcock en 1952, La Chatte sur un toit brûlant en 1959, Bons baisers de Russie et Opération Tonnerre, deux James Bond en 1966, La Sirène du Mississippi et Il était une fois dans l’Ouest en 1969.
En 1978, le cinéma ouvre une seconde salle de 203 places, et la programmation du Gaîté-Rochechouart est orientée, à l’instar des salles de quartier qui cherchent un nouveau souffle, vers les films d’action d’origine asiatique. En 1988, la grande enseigne orange de la Gaîté-Rochechouart représentant un soleil formé d’ampoules scintillantes est définitivement décrochée.
A l’affiche : Pension d’artistes (Stage door, 1937) de Gregory LaCava et L’avocat criminel (Criminal Lawyer, 1937) de Christy Cabanne..
Témoignage de Jean Segura : Le Louxor était un peu loin, c’est pourquoi nous allions si souvent à la Gaîté-Rochechouart avec mon frère Alain. Je me souviens y avoir vu Les Boucaniers, un beau film d’aventures et de pirates réalisé par Anthony Quinn. Ce film étant sorti à Paris le 6 novembre 1959, je suppose que j’ai dû le voir peu de temps après. J’avais une dizaine d’années et cette histoire m’avait fasciné, notamment l’amitié entre Jean Lafitte (Yul Brynner) et un petit garçon (comme plus tard je le découvrirai dans les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang). Et puis il y avait Charlton Heston incarnant le flamboyant Général Andrew Jackson (futur président des Etats-Unis) retrouvant Yul Brynner (son partenaire des Dix Commandements) qui portait une perruque pour être dans la peau du personnage de Lafitte. Enfin il y avait le Charles Boyer, que j’avais déjà vu dans Nana de Christian-Jaque dans ce même cinéma.