« J’ai deux mots à vous dire… » Rencontrés dans un couloir, une rue, une salle de cinéma, sur un marché, ils vivent dans le quartier non loin du Louxor, à Paris ou ailleurs. Nous leur volons un court instant… le temps d’échanger quelques mots et de prendre une photo.
C’est au balcon du cinéma parisien le Club de l’Etoile que nous avons rencontré le chanteur-acteur fantasque Philippe Katerine et le réalisateur et critique de cinéma Thierry Jousse à l’occasion de l’avant-première du film « Je suis un No man’s land » (en DVD ce mois-ci*[1]) organisée avec PARIS-LOUXOR pour l’ouverture de son site internet. En attendant de les voir un jour s’installer au bar du Louxor et de poursuivre cette conversation, ils se sont prêtés au jeu de l’interview impromptue et décalée, pour échanger sur le film… non, à moins que ce soit sur la future salle de Barbès le Louxor, celui de la chanson… ? En exclusivité, Katerine nous dévoile l’origine du titre « Louxor, j’adore » qui fit tant parlé du Louxor… tandis que Thierry Jousse clame son enthousiasme pour la réouverture d’un cinéma dans –son- quartier. Entretien feutré, quiproquo, confidences de cinéma, impressions sur le projet et douce complicité.
Philippe Katerine, Thierry Jousse, j’imagine que vous connaissez le Louxor… ?
Philippe Katerine : Oui, je le connais, je passais tout le temps devant lorsque je prenais le métro aérien. Ça fait longtemps qu’il existe, n’est-ce pas ? Depuis les années…
1921 oui. Il rouvrira en 2013 et va redevenir un cinéma.
Philippe Katerine : Ah je me suis toujours demandé ce qu’était ce lieu abandonné, il y avait toujours plein de pigeons au-dessus. J’ai appris que ça allait servir à quelque chose…
Thierry Jousse : Moi je n’habite pas très loin, je suis donc un peu au courant de ce qui est en train de se faire, c’est une bonne chose… si j’habite encore au même endroit lorsqu’il rouvrira… Je n’ai jamais réussi à habiter dans un quartier où il y avait un cinéma à proximité, où je pouvais aller à pied. J’imagine que ce sera une salle… « baroque » ça me plait assez qu’elle ait un style particulier.
Philippe Katerine : C’est une bonne nouvelle pour toi !
Philippe Katerine, votre chanson « Louxor, j’adore », parle du Louxor… ? Vous pouvez nous raconter son histoire ?
Philippe Katerine : À oui… à chaque fois que je passais devant le métro aérien, je pensais forcément à ma chanson. Mais ça ne vient pas de là… le Louxor de la chanson, c’est une boite de nuit à Clisson dans la campagne nantaise ! d’ailleurs cela s’écrit : « Looksor »…
C’est amusant car le Louxor de Barbès a également été une grande boîte de nuit gay dans les années 80. C’est même ce qu’il était la dernière fois qu’il a été ouvert au public.
Philippe Katerine : Ah oui ?! Je l’ignorais !
Thierry Jousse : Ah bon ? Il faut dire que je n’ai pas beaucoup fréquenté les boîtes de nuit gay dans les années 80 donc ça m’a sans doute échappé et je pense que j’ai eu grandement tort !
Que pensez-vous du projet de réouverture du Louxor comme cinéma de quartier, comme cinéma dans la ville ?
Thierry Jousse : On peut difficilement en dire du mal. A priori, l’ouverture d’une salle de cinéma est une initiative louable. Je ne sais pas du tout quel type de lieu ça va être et c’est difficile de le savoir mais je trouve qu’il est important de réactiver des lieux qui ont une histoire. Par principe, je suis pour. On m’a déjà invité aux visites du lieu (en chantier) auxquelles je n’ai malheureusement pu me venir… Donc peut-être que la prochaine fois que l’on m’invitera pour une visite, cette fois-ci je pourrais m’y rendre… et y prendre un verre puisque vous organisez des apéros ! [2].
Philippe Katerine : Il y aura donc un « bar du Louxor »… !
Oui, il y aura un café –club et une petite salle d’exposition.
Thierry Jousse : En fait, c’est à nous de vous poser des questions ! Ça va être rénové au plus proche de l’original ? Il y aura une salle, plusieurs salles ?
Oui, la Ville de Paris et l’architecte souhaitent qu’il retrouve sa décoration originale de style néo-égyptien, il y aura trois salles. Avez-vous une salle de cinéma fétiche ?
Philippe Katerine : À vrai dire… non, pas vraiment. Si, peut-être un… le premier où je suis allé : l’Accatone. Les premières fois sont toujours des souvenirs qui restent… sauf que là je ne me souviens plus exactement du film vu ! C’était avec un dessinateur, il était d’ailleurs présent à cette séance, c’est pour moi un bon souvenir.
Thierry Jousse : J’ai l’impression que c’est plus difficile d’avoir des salles fétiches aujourd’hui à Paris parce qu’il n’y a plus beaucoup de salles uniques. Il y a des circuits et je n’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup de salles capables de créer une sorte d’attachement, de fétichisme autour d’elles. C’est, du coup, peut-être plus compliqué d’avoir un rapport personnel ou affectif avec un lieu de cinéma.
Qu’attendez-vous d’une nouvelle salle de cinéma ?
Thierry Jousse : Qu’elle programme des films que j’ai envie d’aller voir puisque cette fois-ci, j’habite à côté ! Et c’est ça la difficulté de l’opération ! J’aimerais bien trouver un lieu à Paris dans lequel j’ai un rapport de confiance et pas seulement avec la programmation ; où je me dis tiens j’y vais autant pour aller voir un film que pour fréquenter un lieu, d’ailleurs ça se fait beaucoup en province.
Philippe Katerine : Ah oui, c’est vrai ça, c’est très vrai ! Il faut faire confiance au lieu.
Thierry Jousse : C’est vrai en province, c’est beaucoup plus présent : d’ailleurs, quelle que soit la programmation, bon on y va. Et je n’ai pas réussi à trouver vraiment ça à Paris.
Un peu plus qu’un lieu de cinéma… un lieu de vie ?
Thierry Jousse : Si possible. Donc oui, moi j’en attendrais ça en tout cas. Qu’il soit un peu… vivant, enfin, pas un hall de gare !
Philippe Katerine : Tu es bien exigeant !
Thierry Jousse : Je suis riverain, je te signale ! Donc en tant que riverain, j’ai le droit d’avoir des exigences ! Toi qui n’est plus riverain, ça te concernera moins directement.
Philippe Katerine : Non non pas tout à fait, ça va m’intéresser de très près. Enfin c’est une programmation spécifique ou … ?
L’exploitant n’a pas encore été désigné, mais la salle sera classée art et essai et le cinéma du monde devrait y avoir une place.
Philippe Katerine : Une espèce de Festival des 3 continents à Paris. Intéressant. Passionnant. Idéal.
Quelle est votre programmation idéale ? Qu’aimeriez-vous y voir ?
Thierry Jousse : Oh ! « Je suis un no man’s land » ! (rires)
Philippe Katerine : Je dirais un mélange de Brady et d’Action Ecole (Ndlr Jean-Pierre Mocky a annoncé en exclusivité à PARIS-LOUXOR qu’il se séparait du Brady pour reprendre l’Action Ecole [lien]), avec une programmation alliant classiques, westerns, un peu de pornos, ce genre de mélange me plairait bien !
Thierry Jousse : Je suis plus partagé. Je le dis car je pense qu’il serait bien justement de casser un peu les codes, de déclassifier même la notion d’ « art et essai », ce n’est pas toujours une catégorie que j’affectionne. J’aimerais bien que ce soit un peu plus ouvert, qu’il y ait moins de cases.
Plus « grand public » ?
Thierry Jousse : Pas forcément en fait. Dans le temps, il y avait Henri Langlois, il disait « les films naissent libres et égaux », je ne sais pas si c’est toujours vrai mais ça reste un beau projet en tous les cas.
Philippe Katerine : Ah… quelle belle utopie…
Thierry Jousse : Ce pourrait être la « déclaration universelle du Louxor » ?!
Philippe Katerine : Oui, c’est bien ça ! Tous les films avec le même nombre de copies.
Thierry Jousse : Absolument voilà ! Une limitation. Il faudrait inventer un système qui permettrait de déhiérarchiser un peu les genres.
D’autant plus qu’on parle de Barbès, un quartier mixte…
Thierry Jousse : Oui et je suis bien placé pour en parler. J’habite à mi chemin entre Montmartre et Barbès. Mais c’est un drôle de quartier Barbès, c’est toujours très… speed.
Philippe Katerine : Oui, très speed.
Une salle de cinéma dans un quartier c’est un lieu, du temps partagé…
Philippe Katerine : Oui, on y fera une pause. Au moins un petit quart d’heure ! (rires)
[1] Le film Je suis un No man’s land de Thierry Jousse avec Philippe Katerine est paru en DVD le 1er juin 2011.
[2] PARIS-LOUXOR organise des apéros et pots de rencontres dans le quartier Barbès, le prochain se tiendra le 7 juillet au Point Éphémère